" Le président a la même voix que s'il m'annonçait : " Rendez-vous rue de Bièvres. " Il me dit, " Tenez-vous prêt, nous partons ", avec ce masque de sérénité qui le fait surnommer par ses ennemis, " le Sphinx ". Ce samedi d'été, je ne me doute encore de rien. Je m'adresse à Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères : " Où allons-nous ? " Il murmure " Yougoslavie ". Je sursaute: " Sarajevo ? " Il acquiesce discrètement. Quelques mois plus tôt, j'ai traversé la Yougoslavie en guerre pour tenter de pénétrer dans Dubrovnik assiégé, je connais le terrain. Alors, je pense : " Il est dingo. " On n'a pas le droit de prendre un tel risque quand on est chef d'Etat. " Claude Azoulay. Cet album est un exemple unique dans l'histoire de la photographie. Jamais un photographe n'a consacré un travail de cette ampleur et de cette durée à un chef d'Etat. Grand reporter de guerre, photographe de stars, Claude Azoulay croise la route du candidat de la gauche en 1978. Très vite, l'homme de mots comprend que l'image peut lui être fidèle. François Mitterrand est en confiance, il ouvre au journaliste la porte de sa maison de Paris, aussi bien que celle de Latche ou de ses appartements privés, à l'Elysée. Claude Azoulay le suit dans ses voyages officiels, privés, et parfois dans des aventures plus imprévues. Comme cette folle équipée dans la Yougoslavie en guerre, en 1992. Sous ce regard unique se dessine le portrait d'un Mitterrand sans artifice. Artiste de la politique et patient artisan de l'Histoire, homme de culture et d'amitié, marcheur solitaire, grand-père attendri, lecteur, écrivain. Un funambule capable de trouver son équilibre dans les pires tempêtes, mais qui, en deux septennats, n'allait jamais lâcher de vue son horizon : la construction de l'Europe, son plus beau rêve.