Peint par David de 1805 à 1808, Le Sacre de Napoléon devait éterniser la journée du 2 décembre 1804, qui vit, dans le chœur de Notre-Dame, l'empereur des Français se faire sacrer par le pape et se couronner lui-même. Issue du coup d'Etat du 18 brumaire, la " quatrième dynastie " se parait du prestige et du caractère divin que le sacre de Reims conférait à l'ancienne monarchie française, tout en évoquant celui de Charlemagne par le pape, à Rome, en l'an 800. D'un format immense, le tableau de David possède la vie et la vérité d'un témoignage fidèle. En réalité, il s'inscrit dans une politique de l'image dont Bonaparte joua magistralement dès la campagne d'Italie. Ainsi voulut-il que sa mère, notoirement opposée au couronnement de Joséphine et demeurée à Rome, fût représentée en bonne place dans le tableau. " Cela ne fut pas ainsi, mais cela sera toujours ainsi " : comme l'a écrit Frédéric Masson, il nous est désormais impossible de nous représenter le sacre autrement. Pourtant le projet initial de David était autre. Il avait d'abord représenté Napoléon se couronnant lui-même, dans un mouvement énergique d'autocrate ne devant son pouvoir qu'à son épée. En août 1806 - selon des conclusions du présent dossier - il décida de modifier entièrement la figure de l'Empereur et de le montrer couronnant Joséphine, dans un geste chevaleresque. La toile porte encore la trace subliminale de changement et, si Bayard a remplacé César, on verra comment David, qui regrettait son idée première, a maintenu présente l'image de l'imperator romain... Ce tableau, le plus illustre de l'Empire, ne fut pas montré au public plus de six mois : le remariage de Napoléon avec Marie-Louise en 1810 devait frapper d'interdit cette toile où Joséphine était glorifiée. Réhabilité avec l'épopée impériale par Louis-Philippe en 1838, Le Sacre est, depuis 1889, l'un des tableaux phares du Louvre. Attirés par la personnalité de Napoléon, des millions de visiteurs y trouvent aussi une grande leçon de peinture. Ce livre, où l'œuvre est reproduite pour la première fois dans ses moindres détails, permet de pénétrer dans cette " peinture-portrait " aux 146 visages, à l'invite de Napoléon, qui dit en la découvrant : " Ce n'est pas de la peinture, on marche dans ce tableau. "