Peut-on guérir d'un traumatisme subi dans l'enfance ? C'est ce que Boris Cyrulnik appelle la résilience, ce lent travail de réconciliation avec soi-même et avec les autres hommes. "Un jour, Moustaki m'a dit : "Vous devriez rencontrer Siegfried Meir, il a une existence étonnante, il va vous intéresser". J'ai donc fait la connaissance de Siegfried, sur la terrasse du Rostand, près du jardin du Luxembourg. Etonnant, en effet, ce mélange de douceur et de fermeté qui lui a fait dire calmement, dès les premières phrases : "J'ai été enfant à Auschwitz"... Tout de suite après avoir prononcé le mot "Auschwitz", il a ajouté : "Je me demande pourquoi tout me réussit. J'ai été chanteur, ce qui m'a valu l'amitié de Moustaki, mon jumeau, mon frère d'âme... J'ai lancé une mode de vêtements... J'ai monté des restaurants... J'ai peint... J'ai sculpté"... Ça ne collait pas avec Auschwitz et, pourtant, ce livre explique l'enchaînement des faits... En fait, ce n'est pas une autobiographie, c'est une enquête sur soi-même, un dialogue avec Sherlock Holmes, comme un double, une ombre, un Doppelganger, qui marche aux côtés de Siegfried, le met en question et l'éclaire, en retrouvant des archives qui comblent quelques trous de mémoire... Quand j'ai rencontré Siegfried Meir, à la terrasse du Rostand, près du jardin du Luxembourg, il m'a dit : "Dans votre livre Un merveilleux malheur vous avez parlé de moi". Il avait tort, c'est lui qui parle de moi dans ce livre terrifiant et passionnant parce que la vie y est présentée comme une longue poésie. C'est fascinant, comme un film d'Hitchcock". Boris Cyrulnik