Quelqu'un a dit un jour que nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants, en faisant référence aux Anciens qui nous ont précédés. Guy Montens, lui, affirme dans son Invitation au Kafkarnaüm, introduction au présent recueil de contes, que nous sommes des larves, certes, mais larves juchées sur le chapeau de Kafka.

Dans ses histoires, Montens s'éclate. Il part en morceaux, dans toutes les directions, recueille des fragments de vide ou d'humain, des histoires... et revient. Il monte sa croix et fait emprunter à Staline le chemin du Calvaire, dans l'au-delà (Au lieu d'être), et il redescend, en sortant par le trou d'une lampe à génie, et rigole... Il recrée le monde à sa façon unique et nous donne la clef des couleurs : pourquoi le rouge est-il rouge ? Il retrace de vrais-faux trajets de vie où rien n'est fictionnel car la réalité est souvent bien trop grotesque pour n'être que vraie. Tour à tour poète (La vie et rien d'autre), conteur fantastique post-trans-pré-(puce)-kafkaïen (Le tunnel, Le sourire), conteur de faraboles épiques (L'auberge des douze conteurs) ou de l'épouvante (Conte ardennais), Guy Montens nous emmène là où nous ne serions jamais allés. Mais lui, où est-il allé ? Et d'ailleurs, en est-il revenu ? Est-il plus proche du jeu de cartes qui s'effrite dans La réussite ou du Christ de L'ultime tentation qui, au sortir de son tombeau, au lieu de partir, reste et va droit au Temple défier le sanhédrin et proclamer sa vérité, au grand dam de ses coreligionnaires et d'un Ponce Pilate qui ne sait plus que faire sinon - après maintes mises à mort et résurrections du nazaréen - devenir son ultime disciple ?

Oui, décidément, Guy, s'il est vrai " qu'au début était le maelström ", et que tu es tombé dedans tout petit, engouffré de la tête aux pieds, il est encore plus vrai, comme tu l'écris si bien, que nous sommes des hamburgers dégoulinant de ketchup juchés sur les oreilles de Mickey.