Dans les débats sur "la crise de la protection sociale", l'accent est mis presque exclusivement sur les problèmes financiers (le fameux trou de la Sécurité sociale) et des évolutions structurelles, démographiques notamment, dont les réformes ne seraient, aux dires des experts, que la conséquence nécessaire. Autant dire qu'elles échapperaient à des choix politiques, sociaux, éthiques.

Derrière les débats et les réformes des modes de financement en particulier, ce sont, en fait, des modifications profondes des principes fondateurs des politiques sociales qui sont à l'œuvre, et pas seulement des choix techniques ou des aménagements rendus nécessaires par des contraintes économiques. Ce sont bien des choix qui sont faits et qui affectent les politiques concernant la famille, la pauvreté, le travail, l'immigration, la délinquance...

De leur élaboration, à la fin du 19e siècle, à leur plein déploiement au milieu des années soixante-dix, les politiques sociales se sont construites sur une conception commune de l'homme en société. Elle reposait sur l'articulation entre deux valeurs fondamentales : la responsabilité individuelle et la solidarité sociale. Partant du constat que ces deux concepts de responsabilité et de solidarité jouent encore un rôle clef dans les réformes en cours, cet ouvrage examine les transformations à la lumière de leur jeu respectif.

Etroitement articulées, même si toujours en tension, elles ont longtemps participé à un projet collectif de maîtrise sociale. Dorénavant, leur équilibre ne semble plus aller de soi, les deux principes ont perdu leur cohérence, voire se dressent l'un contre l'autre. De l'activation, leitmotiv des mesures concernant le travail et l'assistance à la responsabilisation des mineurs délinquants, la responsabilité paraît revenir en force dans le social. Ne semble lui faire écho qu'une solidarité réduite à une invocation rituelle sans contenu réel.