Aucun analyste ne peut se targuer de compter les addictions parmi ce qu'il est convenu d'appeler les indications d'analyse. Force est de constater que, malgré toute sa finesse d'élaboration, la position psychanalytique s'avère intenable. Pourtant, de nombreux auteurs analystes ont enrichi par leurs réflexions et par leurs élaborations ce qui pouvait être entendu et élaboré chez les patients souffrant de cette pathologie. Ivresse, plongée en soi, extase, mariage heureux, l'addiction peut être tout cela et bien plus encore. L'addiction est un langage et l'addicté croit pouvoir s'apparenter à un héros, échappant à la condition humaine au prix de la mise en péril de sa propre condition. Car, tout comme le héros trouve sa raison d'être dans le risque extrême de sa propre existence, c'est cet enjeu que recherche l'addicté. Belle pirouette que celle de l'immortalité promise, belle illusion dont il se leurre en s'autodéterminant personnage d'une épopée dont il ne veut pas ou ne peut pas savoir la destination fatale. Cette prise de risque se révèle être une entrave paradoxale puisque c'est justement, comme l'écrit Freud, pour échapper aux contraintes de la souffrance que l'addicté va se précipiter dans une contrainte par corps qui met sa vie directement en jeu. Le sujet addicté ne l'est pas à un toxique ou à un comportement, mais à une situation de risque qui, en le mettant dans une proximité exquise avec la mort [psychique ou somatique] va devenir sa seule raison d'être. Ce n'est toutefois pas elle que le sujet vise, mais la répétition compulsive de ce qui lui permet de tendre vers elle sans l'atteindre.