Les violations systématiques des droits de l'homme et les mobilisations sociales qu'elles peuvent entraîner ont le plus sou-vent été étudiées par la science politique dans des contextes de régimes autoritaires ou de sorties de périodes de violence. Cet ouvrage s'intéresse pour sa part à une situation de conflit armé interne et de violence généralisée en Colombie. Les discussions autour des droits humains, au moment où ces derniers sont bafoués, constituent un exemple privilégié pour observer les phénomènes de juridicisation du politique. La Colombie figure parmi les pays plus violents au monde. Disparitions, exécutions arbitraires, massacres, atteignent des niveaux alarmants depuis la fin des années 1980 ; le pays compte aujourd'hui plus de trois millions et demi de déplacés internes, ce qui le place au 2e rang mondial après le Soudan. Pourtant, l'ampleur des violations aux droits humains est allée de pair avec un appel constant à les respecter. Les différents acteurs procèdent à un usage politique du droit et convertissent les droits de l'homme en outils pour décrire les phénomènes de violences et prendre position dans le conflit. Ainsi, le chef de la guérilla des FARC fait de leur défense le but ultime de l'insurrection ; l'ex-chef des groupes paramilitaires les considérait également comme un des objectifs principaux de son organisation. Chacun y va de sa propre interprétation et la guerre semble se prolonger sur le terrain des droits de l'homme. Dans ces conditions, quelle est la position des réseaux transnationaux de militants ? Quels sont les effets de leurs actions sur la situation ? Parviennent-ils à élaborer une " mise en récit " globale et cohérente des violences et à sensibiliser l'opinion publique colombienne ?

Sophie Daviaud est actuellement maître de conférences en science politique à l7EP d'Aix-en-Provence et membre du C : HERPA. Cet ouvrage est issu de sa thèse de doctorat dirigée par Daniel Pécaut et soutenue à IEHESS en 2006. Ses travaux de recherche portent sur les situations de conflit armé interne et de reconstruction, notamment sur les phénomènes de juridicisation des griefs, les mobilisations de victimes et le rôle des juges nationaux et internationaux dans les sorties de violence en Amérique latine.