De tous les courants artistiques qui constituèrent l'avant-garde du début du siècle, l'Expressionnisme reste le plus insaisissable et le moins connu. Ni école, ni mouvement structuré, c'est une atmosphère de rêve et d'apocalypse, de désespoir et d'utopie qui s'empare des arts allemands entre 1907 et 1928, une révolte de la jeunesse contre l'Allemagne wilhelmienne, ses structures répressives et sa misère. Comme un ouragan, l'Expressionnisme va traverser les années 20, marquer tous les arts, qu'il s'agisse de la poésie, de la peinture, du théâtre ou du cinéma, suscitant d'innombrables polémiques sur sa naissance, son évolution, sa signification politique. Si Lukacs y voit un mouvement réactionnaire, petit bourgeois dont le pessimisme et l'irrationalisme ont conduit au nazisme, Bloch célèbre l'Expressionnisme comme la plus grande révolte artistique moderne, l'aube d'un monde nouveau et les immenses "Chevaux bleus" de Franz Marc, que détestait tant Hitler, deviennent les symboles de cette génération - mise en terre par "les pères", obsédée par la guerre, les villes géantes et la mort. Ce volume retrace la naissance du mouvement dans le contexte historique et politique de l'Allemagne, suit son évolution, interroge les groupes, les artistes qui préfigurèrent cette sensibilité. Une large place est accordée aux polémiques et aux débats autour de l'Expressionnisme, en particulier à la célèbre querelle qui opposa ses partisans et ses adversaires dans la revue Das Wort. A travers des oeuvres, des symboles, l'évolution de cette génération est retracée jusqu'à son élimination finale par les nazis.